« Le mariage est une bonne nouvelle que l’Église veut annoncer. Il est décisif pour l’annonce de l’Évangile et le salut des hommes. » Mgr Jacques Benoît-Gonnin, évêque de Beauvais, a fait le point le 8 novembre sur la question de la préparation au mariage. Un dossier sur lequel le groupe de travail qu’il préside à la Conférence des évêques de France travaille depuis un an.
Devant l’épiscopat français, réuni pour son assemblée plénière d’automne à Lourdes, il s’est mis, sans l’avoir prévu, au diapason des préoccupations vaticanes. Quelques jours plus tôt, le pape François a en effet envoyé aux conférences épiscopales du monde un questionnaire préparant le synode sur la famille d’octobre 2014. Les enjeux de la préparation au sacrement du mariage y figurent.
Deux préoccupations majeures : la foi des couples et la validité du sacrement
« Nous avons rencontré et examiné un certain nombre d’expériences très différentes de préparation, en paroisse, dans les Centres de préparation au mariage (CPM), etc. », explique Mgr Benoît-Gonnin. L’état des lieux a notamment permis d’identifier deux difficultés rencontrées par les équipes sur le terrain : l’absence de foi des couples et une interrogation sur la validité du sacrement célébré.
La question de la foi s’entend dans le contexte de la nouvelle évangélisation. Mgr Georges Pontier, président de la Cef, l’avait précisé dans son discours d’ouverture de l’assemblée. « Notre souci de la mise en œuvre de l’évangélisation nous conduira à regarder comment elle se déploie lors de la rencontre des fiancés et tout au long de la préparation à la célébration du mariage chrétien », avait-il affirmé le 5 novembre. Le rapport ténu qu’entretiennent avec la foi de l’Église la grande majorité des « fiancés » pose problème. « Certains viennent simplement pour un geste solennel, alors que les équipes de préparation au mariage veulent au contraire les préparer à recevoir un sacrement », résume l’évêque de Beauvais.
C’est l’expérience du Père Emmanuel Blanc, invité à intervenir devant l’épiscopat. Son diocèse, Annecy, a effectué une refonte de ses parcours de préparation au mariage. « Les acteurs ne sont pas seulement des animateurs là pour écouter les couples, affirme-t-il. Ils sont là au nom de leur foi. Il ne s’agit pas seulement de leur faire entendre le sens chrétien du mariage mais aussi la foi chrétienne. »
Mgr Jacques Benoît-Gonnin préconise notamment d’aider les couples à faire « une vraie rencontre avec le Christ ». « Nous devons mettre en œuvre l’annonce kerygmatique, c’est-à-dire que le Christ mort et ressuscité est présent dans la réalité du mariage, exhorte-t-il. Nous devons dire aux fiancés que cela demande, pour porter du fruit, l’engagement de leur volonté, de leur liberté, de leur foi. »
Un autre constat est préoccupant. Certaines équipes de préparation au mariage s’interrogent sur la validité du sacrement auquel elles préparent. Une inquiétude dont quelques évêques ont déjà fait part à Benoit XVI, lors de précédentes visites ad limina à Rome. Il faut dire que la situation actuelle est éloquente : le nombre de mariages religieux diminue et un bon nombre de ceux qui sont célébrés ne tiennent pas. À plusieurs reprises, récemment, le pape François s’est interrogé lui-même sur la validité ce certains mariages, dans une société qui n’incite pas les couples à adhérer pleinement aux conditions du sacrement.
Éduquer les jeunes à la relation conjugale
Comment réagir ? Tout d’abord en veillant à « ne pas caler sur les jeunes un projet de mariage qu’ils n’auraient pas », estime le Père Cédric Burgun, enseignant-chercheur en droit canonique et juge ecclésiastique. Ce prêtre de la Communauté de l’Emmanuel est accompagnateur à l’École de Vie conjugale (Paris), une préparation particulièrement destinée à ceux qui n’ont pas encore de projet matrimonial ou qui sont loin de l’Église.
Une expérience dont il a rendu compte aux évêques à Lourdes. D’après lui, il y a une réelle demande pastorale en amont de la préparation au mariage. « La génération d’aujourd’hui est déprimée, blessée dans son désir d’engagement, elle a besoin d’espérer, y compris sur notre humanité, analyse-t-il. Autour d’eux, peu de couples ont tenu. Ils se demandent s’ils sont aussi condamnés au divorce. »
D’où la nécessité d’éduquer ou rééduquer les jeunes à la relation conjugale. Un aspect « humain, anthropologique et relationnel » à côté duquel certaines préparations au mariage passeraient à côté. « Or la loi canonique et la jurisprudence de nos officialités distinguent bien entre la connaissance intellectuelle du mariage et la capacité humaine et psychique de s’engager, détaille le Père Burgun. Il ne suffit pas de connaître l’engagement du mariage. Encore faut-il être capable de s’engager avec toutes les dimensions de son être. » Un cheminement en Église, « experte en humanité », qui prend du temps.
Noémie Bertin (à Lourdes)