« Pour les enfants, ne veuillez pas éclairer soi-disant le Bon Dieu, le leur faire briller comme on fait briller un tableau, parce que vous ne pourrez pas y arriver. Comme vous êtes plus intelligents qu’eux, vous leur donnerez bien une certaine clarté, mais vous mettrez dans leur esprit une conviction fausse qui aura des résultats désastreux. Lorsque ces enfants auront quinze ans, dix-huit ans, et que, du fait de leurs passions, ils auront intérêt à ce que votre enseignement ne soit pas vrai, ils referont eux-mêmes la critique de leur foi. Que vont-ils examiner alors ?... Les histoires que vous leur avez racontées, les symboles et les concepts que vous aurez utilisés. Ils diront alors : « Ceci et cela qui nous a été dit, mais ce n’est pas vrai du tout ! » Et ils auront raison, parce que les symboles que vous leur donnez ne sont pas la vérité. Ce n’est pas Dieu. Cela peut être, comme nous le disons, des « surfaces argentées », mais ce n’est pas la vérité elle-même. Ces jeunes perdent alors la foi et rejettent tout ce que vous leur avez dit. Allez-vous leur dire à ce moment-là que Dieu est obscur, pour leur faire acquérir la foi ? Ils répondront : « Mais ce n’est pas vrai que Dieu est obscur ! On m’a toujours dit que Dieu était très clair et que, lorsqu’on avait la foi, on comprenait que c’était raisonnable. »
De même, on a donné tellement de symboles et d’explications aux petits enfants que cela paraît tout à fait clair, et à ce moment-là ils disent : « Je n’ai plus la foi parce que… je ne comprends plus ».
Il faudrait peut-être commencer par leur faire comprendre que, justement, la foi ne comprend pas. S’ils ne comprennent pas quand ils sont petits, eh bien, ils ne seront pas étonnés de ne pas comprendre à dix-sept, vingt ans. C’est dans la même ligne : ils accepteront le mystère. Car il faut l’accepter…
… Evidemment, ce n’est pas qu’il ne faille pas expliquer le catéchisme, ni mettre toute la clarté dans la formule dogmatique. Elle est faite pour donner quelque chose à l’intelligence. Comme le dit Saint Jean de la Croix, c’est une « surface argentée », et il ne faut pas enlever toute la lumière qu’elle nous apporte, mais il faut savoir introduire dans le mystère et expliquer que, pour croire, il faut entrer dans l’obscurité. C’est un saut dans l’obscurité qu’il faut faire, et c’est tout à fait normal. Dieu est infini. Qui donc pourrait m’expliquer l’infini ? Je ne sais qui pourrait y prétendre. Il est donc tout à fait normal que nous ne le comprenions pas. Saint Jean de la Croix le dit : « La plus haute connaissance que nous puissions avoir de Dieu, c’est que nous ne Le comprenons pas ». Les dons du Saint-Esprit nous apportent quelques clartés. Il nous faut aimer cette obscurité »
Père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus
ans Chemin vers le silence intérieur
Ed Parole et Silence 2016, pages 160-163